Memorial ACTe, l'esclavage en héritage

C’est l’un des équipements culturels phares de la France ultramarine. A Pointe-à-Pitre, depuis deux ans, ce « centre caribéen d’expressions et de mémoire de la traite et de l’esclavage » rappelle la terrible réalité que fut ce commerce humain. Il se veut aussi la vitrine d’une culture afro-caribéenne reconnue et valorisée.

Le bâtiment, posé en front de mer, attire inévitablement les regards. Formé de deux blocs reliés par une arche de 40 m, le Mémorial ACTe se distingue par son habillage constitué de plaques de quartz noir recouvertes d’une résille argentée. Une enveloppe lumineuse et massive de 260 m de long qui couvre une surface de 7 124 m², entièrement aménagée sur le site d’une ancienne usine sucrière.

La structure est d’autant plus saisissante qu’elle domine par sa hauteur l’architecture basse de Pointe-à-Pitre. Elle est par ailleurs – et ce n’est pas un hasard - située dans un secteur portuaire, Darboussier, plus connu jusqu’à lors pour ses bars glauques et ses filles faciles… Signe d’une volonté certaine de redynamisation urbaine du quartier. Cerise sur le gâteau, une passerelle légère de 12 m de haut et de 275 m de long relie le musée au Morne Mémoire, un jardin panoramique de 2,2 ha aménagé sur cette éminence naturelle qui côtoie l’édifice. Il symbolise le maigre espace de liberté et de subsistance dont pouvaient profiter jadis les esclaves sur les plantations, près de leurs cases.

Bref, les croisiéristes qui abordent la capitale de la Guadeloupe ne peuvent manquer d’apercevoir cette nouvelle vitrine et phare de la culture caribéenne, qui redonne du peps à une agglomération jusque là relativement délaissée par les touristes – hormis le marché aux épices et le quartier de la Darse.

Quelques mots sur la genèse du Mémorial ACTe...

Le projet a été initié dès 2004 par la région Guadeloupe, désireuse d’édifier un lieu dédié à la mémoire collective et d’encourager la recherche sur la traite négrière, l’esclavage et leurs abolitions. Un site, aussi, destiné à l’appropriation de cette histoire par la population locale – le sujet reste toujours vif et douloureux -, doublé d’un espace de rencontres culturelles, artistiques, historiques et de diffusion des savoirs. Il n’a pas été conçu seulement à l’échelle guadeloupéenne, mais de toute la Caraïbe. L’esclavage a hélas façonné l’âme et la culture de toute cette partie du monde et constitue la trame historique de chacune des îles. 83 millions d’€ (cofinancés par la Région Guadeloupe, le FEDER et l’Etat) ont été investis pour réaliser cette œuvre inaugurée en mai 2015 par l’ancien Président François Hollande.

Devant un parvis de 3 300 m² et un espace de commémoration, le bâtiment principal s’organise autour d’un patio central d’accueil des visiteurs et d’accès à la billetterie. La structure abrite l’exposition permanente, 1 700 m² dévolus à l’histoire de l’esclavage de l’Antiquité à nos jours – il existe toujours des cas d’esclavagisme moderne dans le monde : en 2014 les ONG estimaient à 36 millions le nombre personnes assimilables à cette situation… Ces mètres accueillent près de 500 objets patrimoniaux et une vingtaine d’œuvres contemporaines. Un parcours « expérentiel » - c'est-à-dire très numérique – organisé autour des découvertes des Amériques, de la traite négrière, des plantations, de l’abolition… en six langues et avec audio-guide.

Ce bâtiment accueille aussi un espace de recherches généalogiques sur l’origine des noms de familles guadeloupéennes, un centre de ressources pour les chercheurs, une médiathèque, une boutique, un bar et un restaurant gastronomique. Sur le toit, une grande terrasse à ciel ouvert permet d’organiser cocktails et réceptions, jusqu’à 600 personnes – vue prodigieuse garantie !

Enfin, se trouve également dans ce premier édifice la salle d’exposition temporaire. Ses 700 m² dédiés à l’histoire et à la création artistique caribéenne reçoivent des « installations » diverses et variées. Jusqu’au 3 septembre s'est tenu l’exposition « Darboussier au cœur des migrations » rappellant la place de ce quartier et de son usine sucrière dans l’immigration en Guadeloupe, au 19ème s. Plus de 100 photographies témoignent des arrivées en provenance de Madère, Cap-Vert, Chine, Inde, Vietnam… Les expositions temporaires s’intègrent régulièrement aux accrochages d’œuvres d’artistes contemporains reçues dans cet espace.

Le second bâtiment, à vocation plus professionnelle, accueille tout au long de l’année des écrivains, philosophes, historiens… à l’occasion de colloques sur le thème de l’esclavagisme et des migrations. Il héberge aussi des artistes en résidence. Avec une salle des congrès et des arts vivants de 400 m², pouvant recevoir jusqu’à 350 personnes, il est en mesure de recevoir toutes sortes d’événements professionnels, séminaires, événementiels… Un bistrot complète l’offre de restauration.

Quant au Morne Mémoire dont nous avons parlé, il est le prétexte à une agréable promenade littorale. Doté d’un bar-glacier, sa table d’orientation permet de mettre un nom sur les paysages observés, depuis Pointe-à-Pitre jusqu’aux reliefs de Basse-Terre.

A la fois équipement historique, culturel et de tourisme de mémoire, ce premier des 12 740 musées français entièrement consacré à l’esclavage a pour mission de réconcilier les Caribéens avec une histoire douloureuse, d’expliquer aux visiteurs la triste réalité de l’esclavage, de revitaliser un quartier en partie insalubre et de vivifier l’image touristique d’une ville qui en avait bien besoin. Une quadruple mission qui montre à l’évidence que l’on peut tenter de séduire les touristes tout en donnant du sens aux choses.

Dernière mise à jour : 23/10/2023

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