
Rangiroa, presque seuls au monde…
Publié le 27/04/2018
Une île française perdue au milieu du Pacifique
Savez-vous pourquoi la France dispose du second plus grand espace maritime au monde, derrière les Etats-Unis ? Parce qu’elle possède la Polynésie Française, aussi vaste que l’Europe et dont les eaux territoriales de ses 118 îles couvrent des centaines de milliers de km².
Si une île symbolise cet "empire" maritime, c’est Rangiroa. A 1h de vol au nord-ouest de Papeete, par vol direct ou avec escale à Tikehau ou Mataiva, cet atoll est tout bonnement le second plus vaste au monde. Les 230 km de circonférence et les 1 450 km² du lagon ne sont devancés que par l’atoll Kwajalein des îles Marshall voisines. Autant dire qu’il y a largement la place ici pour se couper du monde, notamment en filant sur l’un des 400 motu inhabités qui scandent l’anneau corallien.

Avant de s’y rendre, parcourons la quinzaine de km des deux bandes de terre occupées de l’atoll. Avatoru et Tiputa sont deux étroits plantiers coralliens séparés par une passe entre lagon et océan, où se concentrent les activités. Point culminant ? 2 m… allez, 3 m. Une route unique est tracée sur ce bandeau sur laquelle circulent voitures, scooters, vélos et… bus scolaires.
Comme la majorité des îles polynésiennes habitées, Rangiroa, 2 500 habitants, possède son école primaire, avec cars de ramassage. Elle dispose aussi, insigne privilège, d’un collège. Près de 400 élèves y sont scolarisés, dont 90% d’internes. Ils viennent des 8 îles environnantes et ne rentrent chez eux que trois fois par an, sur des vols spéciaux d’Air Tahiti affrétés par l’Education Nationale, gratuits pour les familles. Le reste du temps, et dès 11 ans pour les 6ème, les élèves restent à l’internat. Car les vols réguliers sont chers et obligent le plus souvent à un transit à Tahiti. Une autre réalité de la vie dans les îles…

Avatoru agrège l’essentiel de la vie sociale. On y trouve l’aéroport, une église catholique, la banque, la poste, les pompiers, des lignes de palmiers ininterrompues et trois à quatre épiceries plus ou moins achalandées. Les denrées importées dépendent du bateau avitailleur. A Rangiroa, l’Aranui 5 accoste une quinzaine de fois par an et débarque ce que l’île ne produit pas – c'est-à-dire presque tout.
De part et d’autre de la route, un habitat lâche s’ouvre sur des jardins luxuriants où s’ébattent librement chiens et poules. Beaucoup donnent sur le lagon où stationnent des barques de pêche, loisir et économie obligés sur cette terre écrasée par les eaux. Et impossible dans cette petite communauté de passer inaperçu. Tout se sait, tout s’entend !
Séjour à Rangiroa
Côté hébergement, puisque le tourisme est la principale activité de l’île, trois hôtels et une vingtaine de pensions de famille reçoivent les visiteurs. Pour les divertir lorsqu’ils sont à terre, l’atoll abrite une ferme perlière (Gauguin’s Pearl) et, plus étonnant, une cave viticole. Rangiroa produit un vin de corail qui sans atteindre des sommets de qualité vaut son pesant de curiosité. Manuia ! (Santé !).
Une fois découverts leurs chambres ou bungalows, et après avoir pédalé sur la route pour observer les pêcheurs et salué d’un « Ia Ora Na ! » (Bonjour !) des enfants à vélo, le touriste doit se rendre à l’évidence : il faut partir en mer pour sonder le reste de l’île. Car dans cet univers de silence qu’est Rangiroa, seul l’océan crée un trouble. Le ressac lancinant de la houle heurtant le récif corallien est le signe évident qu’il n’est seulement possible de comprendre le sens d’une vie sur un atoll qu’en partant voguer sur ses eaux.
La meilleure manière de s’y rendre ? Choisir un prestataire référencé et partir sur un motu isolé. Ce n’est pas une mince affaire. Une heure de navigation, au bas mot, est nécessaire pour traverser le lagon et atteindre les ultimes récifs sud. Mais les guides de Pa’ati Excursions connaissent la musique. Avant d’entamer la traversée, ils mettent cap sur la passe de Tiputa. Chaque matin s’y déroule la danse des dauphins. Dans une chorégraphie réglée comme du papier à musique, les marsouins bondissent hors de l’eau à heure fixe, se jouant des vagues et des courants. Un spectacle réjouissant.
L’arrivée sur le motu Pa’ati est plus calme. Ame qui vive ? Aucune. Sable et coraux ? Illimités ! Les motu sont des propriétés privées. Leurs détenteurs viennent… s’y reposer le week-end. Car aussi inimaginable que cela puisse paraître, on a besoin, à Rangiroa, de quitter en fin de semaine « l’effervescence » d’Avatoru et de Tiputa ! Ils viennent aussi exploiter le coprah des palmiers, qui sert à fabriquer l’huile de coco dont le cours a doublé en trois ans.

Activités possibles ? Sectionner une noix de coco pour boire son jus et croquer sa pulpe. Tresser des chapeaux avec des feuilles de palme. Marcher jusqu’à la barrière océanique à travers les concrétions immergées de coraux morts, aux allures de Tsingy du Pacifique. Traverser un bras de lagon avec de l’eau à la taille, pour rejoindre un cabanon où attendent poissons grillés, riz et légumes. Donner à manger à des requins pointe noire presque aussi dociles que des chats de salon… Bref, le bonheur polynésien.
Rangiroa est aussi un éden pour les plongeurs. Confirmé ou pas, chacun découvrira dès les premières profondeurs l’invraisemblable profusion de poissons multicolores, murènes, carangues, requins inoffensifs... Si les coraux n’ont pas la splendeur bariolée ni la finesse de ceux de la Grande Barrière australienne, une plongée en bouteilles ou en snorkelling à Rangiroa depuis l’îlot Nuhi Nuhi, face à la passe (surnommé l’aquarium), ou sur des sites plus techniques, laissera un souvenir impérissable. Voir les poissons clowns s’approcher jusqu’à se laisser toucher par des mains étrangères est une expérience difficile à oublier.
Attention, chers visiteurs, le mana (la force spirituelle) de Rangiroa risque de vous atteindre sans crier gare…

Dernière mise à jour : 20/12/2024
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